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Kimbrough & Associés

Paris, France

Une dimension internationale nouvelle du droit d'auteur : L'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce de l'accord de Marrakech instituant l'organisation mondiale du commerce

Article publié dans la RIDA, n° 166 - octobre 1995

Lorsqu'elle était mentionnée dans les accords relatifs au commerce international ou régional, la propriété intellectuelle apparaissait en tant qu'exception autorisée aux règles que ces accords instituaient1, à la condition, toutefois que l'utilisation qui en serait faite ne conduise pas à des discriminations arbitraires ou à des restrictions au commerce déguisées. A titre d'exemple, citons l'article 36 du Traité de Rome, l'article 12(e) de la Convention instituant l'Association Européenne de Libre-Echange et l'article XX du GATT de 1947. Désormais, des accords de commerce contiennent des dispositions de fond sur le régime de la propriété intellectuelle, tels l'Accord de Libre-Echange Nord Américain (ALENA)2, Partie VI, Chapitre 17, et maintenant l'Accord de Marrakech du 15 avril 1994 instituant l'Organisation Mondiale du Commerce ("OMC") qui contient, en annexe 1C, l'Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce ("ADPIC") ou, en anglais, Trade Related Aspects of Intellectual Property Rights3.

L'évolution internationale de la propriété intellectuelle a conduit certains Etats, notamment les Etats-Unis d'Amérique, à rechercher d'autres voies que celle qu'offre le cadre des conventions internationales relatives à la propriété intellectuelle et celui de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Un certain nombre de critiques de la situation de la protection internationale actuelle est à l'origine des ADPIC. Ainsi, le droit d'auteur, tel qu'il ressort, notamment, de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques (la "Convention de Berne"), est jugé trop classique; il est considéré comme ne répondant pas aux besoins actuels, en particulier, en matière de logiciels ou de bases de données. L'absence d'un mécanisme d'interprétation des dispositions des conventions internationales, l'absence de moyens de contraintes, même si la compétence de la Cour internationale de justice est théoriquement prévue par l'article 33 de la Convention de Berne, l'absence de mesures de renforcement, l'impossibilté de modifier les conventions internationales - Convention de Berne et Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (la "Convention de Paris"), notamment - du fait de divergences idéologiques et du poids des pays en développement, le défaut de lien avec d'autres secteurs de première importance, alors qu'il apparaît que la propriété intellectuelle dépend du marché d'autres produits, la préférence marquée pour un accord multilatéral par rapport aux relations bilatérales qui sont parfois tendues et qui peuvent conduire à des mesures de rétorsions unilatérales contraires aux accords de commerce en vigueur, enfin l'absence d'une protection adéquate ou l'existence d'une protection excessive considérées constituer des barrières commerciales, à côté des barrières douanières et des barrières technologiques, qui ont souvent un effet semblable aux effets de restrictions quantitatives ou de distortion de conncurrence, sont considérés comme des insuffisances du système traditionnel. L'accroissement de la piraterie corrélativement à une globalisation des marchés des biens et des services, la prise de conscience, qui ne cesse de se développer, de l'importance que représentent les droits de propriété intellectuelle en tant que biens et l'apparition de nouveaux titulaires de droits ont été également des éléments décisifs de l'insertion de la propriété intellectuelle dans le nouvel accord de commerce.

La propriété intellectuelle n'est plus désormais abordée isolément ; elle s'inscrit dans le contexte du commerce. La propriété intellectuelle est un instrument de la concurrence loyale qui dépend pour une large mesure du niveau effectif comparable de protection. La dimension humaine, primordiale dans le droit de la propriété littéraire et artistique traditionnelle, notamment telle qu'elle est entendue dans les pays de tradition de droit écrit et, en particulier, en France et qui est le fondement implicite de la Convention de Berne, n'est pas présente dans les ADPIC. Une dimension nouvelle du droit d'auteur est introduite dans les normes juridiques internationales concurremment aux normes qu'ont instaurées la Convention de Berne et la Convention universelle sur le droit d'auteur. Les ADPIC ont pour objectif de rechercher un équilibre entre les droits de propriété intellectuelle et le maintien d'une concurrence effective source du développement économique4. S'il y a "nécessité de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle" (I), celle-ci est influencée par le principe selon lequel "les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle" ne doivent pas devenir "elles-mêmes des obstacles au commerce légitime"(II)56.

I - Nécessité d'une protection "efficace et suffisante"

Trois traits caractérisent la mise en place d'un "protection suffisante et efficace": les principes du traitement national et de la nation la plus favorisée (A), les solutions de fond adoptées (B), ainsi que les moyens mis en oeuvre pour assurer le respect des règles instaurées (C).

A - Traitement national et traitement de la nation la plus favorisée

Le principe du traitement national et celui de la nation la plus favorisée des ADPIC, conjugués, constituent une différence sensible par rapport à la Convention de Berne7.

L'article 3, paragraphe 1, des ADPIC dispose que "Chaque Membre accordera aux ressortissants des autres Membres un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde à ses propres ressortissants en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, sous réserve des exceptions déjà prévues dans ... la Convention de Berne (1971), ...".

Une note 3 définit le mot "protection" utilisé dans l'article 38 des ADPIC et précise la portée du traitement national ; le texte de cette note indique que "Aux fins des articles 3 et 4, la "protection" englobera les questions concernant l'existence, l'acquisition, la portée, le maintien des droits de propriété intellectuelle et les moyens de les faire respecter ainsi que les questions concernant l'exercice des droits de propriété intellectuelle dont le présent accord traite expressément." Comme pour la Convention de Berne9, qui précise que le traitement national concerne non seulement les règles en vigueur sur le plan national mais aussi les règles spéciales instaurées par l'instrument international lui-même, les ADPIC, dans cette note 3, précisent que le traitement national porte aussi sur les droits de propriété intellectuelle traités expressément par les ADPIC10.

Le texte des ADPIC réserve les exceptions déjà prévues dans la Convention de Berne (1971) et limite les exceptions au traitement national prévu par les Conventions internationales aux procédures judiciaires et administratives, uniquement dans les cas où ces exceptions seront nécessaires pour assurer le respect des lois et réglementations qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions des ADPIC et où de telles pratiques ne seront pas appliquées de façon à constituer une restriction déguisée au commerce11.

Au traitement national est associé le traitement de la nation la plus favorisée. Or, s'il est fréquent dans les accords bilatéraux relatifs au commerce, ce dernier principe se rencontre rarement dans les accords multilatéraux. L'article 4 dispose que "En ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par un Membre aux ressortissants de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus aux ressortissants de tous les autres Membres."

En vertu de l'article 20 de la Convention de Berne12, les Etats peuvent prendre des arrangements particuliers. Mais, dans le cadre des instruments de propriété intellectuelle, le contenu de ces arrangements particuliers n'est pas étendu aux autres Etats parties à ces instruments. Le principe du traitement de la nation la plus favorisée conduit à l'application des arrangements particuliers aux autres Etats Membres, lorsque ces arrangements contiennent des dispositions plus favorables. Les ADPIC ne limitent pas ces accords particuliers à ceux conclus entre Etats Membres, mais couvrent les accords conclus avec tout pays13.

Néanmoins, un certain nombre d'exceptions14 sont introduites à ce principe, qui concernent les avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par un Membre 1) qui découlent d'accords internationaux concernant l'entraide judiciaire ou l'exécution des lois en général, 2) qui sont accordés conformément aux dispositions de la Convention de Berne (1971) (ou de la Convention de Rome) qui autorisent que le traitement accordé soit fonction, non pas du traitement national, mais du traitement accordé dans un autre pays, ou 3) qui découlent d'accords internationaux se rapportant à la protection de la propriété intellectuelle dont l'entrée en vigueur précède celle de l'Accord sur l'OMC si ces accords sont notifiés au Conseil des ADPIC et ne constituent pas une discrimination arbitraire ou injustifiable à l'égard des ressortissants à d'autres Etats Membres15.

Les solutions de fond constituent la matière de la protection que les rédacteurs des ADPIC ont voulu instaurer ; elles sont la substance de la protection suffisante et efficace. Il importe maintenant de les décrire.

B - Dispositions de fond, garantes d'une protection "efficace et suffisante"

En ratifiant l'Accord de Marrakech, des Etats qui ne sont pas Parties à la Convention de Berne, dans sa version de 1971, vont s'engager automatiquement à respecter son contenu substantiel, cela indépendamment de leur adhésion à cette Convention. En effet, selon l'article 9 des ADPIC, les Membres devront se conformer aux articles 1 à 2116 de la Convention de Berne (1971), à l'exclusion toutefois de l'article 6bis relatif au droit moral, et l'adhésion à l'Accord de Marrakech entraîne l'adhésion aux solutions de la Convention de Berne, le paragraphe 2 de l'article II de l'Accord de Marrakech attestant du lien pour les Etats entre les différents accords, puisqu'il dispose que "Les accords et instruments juridiques connexes repris dans les Annexe 1, 2 et 3 (ci-après dénommés les "Accords commerciaux multilatéraux") font partie intégrante du présent accord et sont contraignants pour tous les Membres."17 Des cas dans lesquels un accord multilatéral n'est pas applicable entre deux Membres de l'OMC sont cependant prévus, mais cela dans des conditions limitées (article XIII).

Les Etats Membres sont tenus d'assurer une protection minimale pour les ressortissants aux autres Etats membres, tout en ayant la possibilité de mettre en oeuvre une protection plus large, à condition que cette protection ne contrevienne pas aux dispositions des ADPIC18. Cependant, un auteur ressortissant à un Etat ne pourra revendiquer directement les dispositions des ADPIC dans ce pays, puisque le minimum de protection n'est pas directement applicable aux auteurs nationaux; l'article 1er, paragraphe 3, dispose, en effet, que "Les Membres accorderont le traitement prévu dans le présent accord aux ressortissants des autres Membres."

Sous réserve de précisions contenues dans leur texte, les ADPIC reconnaissent, pour l'essentiel, la protection aux oeuvres énumérées dans la Convention de Berne, les critères pour la protection relatifs aux éléments de rattachement institués par ce dernier instrument, la durée de protection de cinquante ans post mortem, le droit de traduction, le droit de reproduction, le droit de représentation ou d'exécution publique et de transmission publique d'une représentation ou exécution, le droit de radiodiffusion, le droit de récitation publique et de transmission publique d'une récitation, le droit d'adaptation, d'arrangement et d'autres transformations, les droits relatifs aux oeuvres cinématographiques (adaptation et reproduction, mise en circulation, représentation et exécution publiques et transmission par fil au public des oeuvres ainsi adaptées ou reproduites, adaptation des réalisations cinématographiques) et le droit de suite19, cela dans les termes, les limites et les conditions de la Convention de Berne.

Les ADPIC contiennent un certain nombre de dispositions spécifiques complémentaires par rapport à la Convention de Berne qui portent sur les oeuvres protégées (1), sur les droits accordés aux ayants droit (2) et sur la durée de protection (3).

1. Oeuvres protégées

Sur des points particuliers, les ADPIC complètent la Convention de Berne en adoptant des solutions à des questions qui ont fait l'objet de longs débats dans les enceintes internationales. Ainsi, l'article 10 prévoit expressément la protection des programmes d'ordinateur en les classant dans la catégorie des oeuvres littéraires20. Les ADPIC tranchent la question posée à la Convention de Berne, et non encore résolue, de savoir si les logiciels sont protégés en vertu de cette Convention sur la base du minimum conventionnel et si les auteurs de logiciels peuvent bénéficier du traitement national instauré par cette Convention.

La situation en matière de bases de données, qui recouvre les supports multimedias, est proche de celle en matière de logiciels, puisque, ici aussi, la Convention de Berne ne vise pas expressément les bases données dans l'énumération de son article 2 et que les ADPIC prévoient une telle protection dans leur article 1021. Les ADPIC ne prévoient pas de protection pour les bases de données qui ne constitueraient pas des créations intellectuelles. En outre, cette protection ne s'étendra pas aux données ou éléments eux-mêmes22.

2. Droits

Dans le préambule des ADPIC, il est précisé que les droits de propriété intellectuelle sont des droits privés. Les prérogatives que pourraient s'arroger des Etats au détriment des auteurs ou de leurs ayants droit ne sauraient être admises, tels les prélèvements effectués au titre de la copie privée qui seraient affectés dans leur budget.

Les ADPIC prévoient une disposition au titre du droit de location. L'article 11 instaure, au profit des auteurs et de leurs ayants droit, un droit d'autoriser et d'interdire la location des programmes d'ordinateur et des oeuvres cinématographiques 23.

La Convention de Berne ne contient pas expressément une référence au droit de location, à l'exception du droit de mise en circulation instauré au profit des auteurs d'oeuvres littéraires ou artistiques pour les oeuvres cinématographiques tirées de leurs oeuvres (article 14) que l'on peut considérer contenir le droit de location.

Selon les systèmes juridiques, ce droit est inclus ou non dans le droit de reproduction, la réponse dépendant de la portée qui est accordée à ce dernier droit. En droit français, le droit de location est un élément du droit de reproduction fondé sur la possibilité pour l'auteur de contrôler la destination de son oeuvre (article L.131-3, alinéa 1, du Code de la propriété intellectuelle); il s'agit de la théorie du droit de destination développée en France et en Belgique. Dans des systèmes qui connaissent une conception étroite des droits d'auteur, tels ceux en vigueur dans les pays anglo-saxons, le droit de location, pour être reconnu, doit faire l'objet d'une mention expresse dans les textes.

L'article 11 des ADPIC prévoit la possibilité qu'un Membre soit exempté de l'obligation d'introduire le droit de location en ce qui concerne les oeuvres cinématographiques, à moins que cette location n'ait conduit à la réalisation largement répandue de copies de ces oeuvres qui compromettrait de façon importante le droit exclusif de reproduction conféré dans ce Membre aux auteurs et à leurs ayants droit. Ce même article permet également que cette obligation ne s'applique pas à un programme d'ordinateur dans le cas où ce programme lui-même n'est pas l'objet essentiel de la location. Ces deux exceptions sont très imprécises dans leur rédaction; des moyens de mesure objective manquent pour décider si des copies d'oeuvres cinématographiques sont largement répandues ou si le programme d'ordinateur n'est pas l'objet essentiel de la location24.

3. Durée

L'article 12 des ADPIC règle la durée de protection d'une oeuvre, autre qu'une oeuvre photographique ou une oeuvre des arts appliqués. Lorsqu'elle est calculée sur une base autre que la vie d'une personne physique, cette durée sera d'au moins 50 ans à compter de la fin de l'année civile de la publication autorisée, ou, si une telle publication autorisée n'a pas lieu dans les 50 ans, à compter de la réalisation de l'oeuvre, d'au moins 50 ans à compter de la fin de l'année civile de la réalisation.

Sur ces points, la Convention de Berne ne contient pas de dispositions spécifiques, autres que celles relatives aux oeuvres cinématographiques et aux oeuvres anonymes et pseudonymes (article 7, paragraphes 2 et 3), puisque cette Convention est rédigée dans la perspective de l'auteur personne physique 25 26.

Les structures et les moyens mis en oeuvre pour assurer le respect des normes des ADPIC constituent, par rapport au mécanisme traditionnel de protection internationale, la caractéristique la plus nouvelle et destinée à rendre efficace la protection instaurée et décrite précédemment.

C - Cadre mis en place pour assurer le respect des normes instaurées

Des structures (1) et un mécanisme d'interprétation des normes (2) sont créés et les Etats Membres sont tenus de prendre des mesures pour assurer le respect des normes des ADPIC (3).

1. Structures

La caractéristique première de l'Accord de Marrakech et, en même temps, l'une des différences majeure par rapport aux instruments internationaux traditionnels de propriété intellectuelle, réside dans la procédure de règlement des différends contraignante pour les Etats.

En effet, l'Organe de règlement des différends (ORD) est institué 27 pour, notamment, administrer l'ensemble de la procédure mise en place pour régler les différends et pour assurer la surveillance de la mise en oeuvre des décisions et recommandations. Une procédure détaillée est prévue qu'il n'est pas permis de décrire dans le cadre de cette brève étude. L'essentiel est de mentionner que, aux termes de toutes les voies de procédures mises en place, un Etat pourra suspendre ses concessions ou obligations à l'égard d'un autre Etat, dans le même secteur que celui dans lequel les structures de procédure mises en place (groupe spécial ou l'organe d'appel) auront constaté une violation ou une annulation ou réduction d'avantages, ou bien, le cas échéant, si la suspension précédente n'était pas possible ou efficace, dans d'autres secteurs au titre du même accord, ou bien encore, si cette dernière suspension s'avérait impossible ou inefficace et que les circonstances soient suffisament graves, de susprendre les concessions ou obligations dans un autre accord (article 22).

D'autres structures sont créées, dont la liste figure dans l'article IV de l'Accord de Marrakech. L'une d'elle est le Conseil des Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce ou "Conseil des ADPIC" qui, aux termes de l'article 68 des ADPIC, aura, notamment, le pouvoir de contrôler le respect de leurs obligations par les Etats Membres et qui permettra aux Etats Membres de procéder à des consultations sur les questions concernant les aspects de droit de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Le Conseil des ADPIC pourra fournir une aide dans le cadre des procédures de règlements des différends. La Conférence ministérielle et le Conseil Général, organes suprêmes institués par l'OMC, pourront adopter des interprétations de l'Accord de Marrakech et des Accords multilatéraux, dont les ADPIC.

2. Mécanisme d'interprétation des normes des ADPIC

L'article IX, paragraphe 2, de l'Accord de Marrakech prévoit que la Conférence ministérielle et le Conseil général auront le pouvoir exclusif d'adopter des interprétations de l'Accord et des Accords Commerciaux Multilatéraux. S'agissant d'une interprétation d'un Accord Commercial Multilatéral de l'Annexe 1, ces structures exerceront leur pouvoir en se fondant sur une recommandation du Conseil qui supervise le fonctionnement dudit accord et la décision d'adopter une interprétation sera prise à la majorité des trois quarts des Membres. Pour ce qui concerne la Convention de Berne, comme pour la Convention de Rome, aucune instance n'est dotée du pouvoir d'interpréter ces instruments internationaux.

Les articles 7 et 8 des ADPIC énoncent des critères d'interprétation qui indiquent les buts de la protection de la propriété intellectuelle, savoir "contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie" (article 7). Ils fixent les limites de cette protection, puisque des mesures appropriées pourront être prises afin "d'éviter l'usage abusif des droits de propriété intellectuelle par les détenteurs de droits ou le recours à des pratiques qui restreignent de manière déraisonnable le commerce ou sont préjudiciables au transfert international de technologie" (article 8). Le caractère absolu des droits de propriété intellectuelle disparaît, puisque, outre les limites explicites que la Convention de Berne et l'OMC contiennent, des limites générales seront introduites relevant du droit de la concurrence. L'article 40 des ADPIC corrobore cette analyse, puisque, nous allons le voir, cet article a pour objet de contrôler les pratiques anticoncurrentielles dans les contrats.

L'immersion de la propriété intellectuelle dans le commerce international entraînera probablement une interprétation nouvelle des dispositions qu'elle comporte. Cela risque d'être sensible à propos de la Convention de Berne puisqu'elle est l'instrument international de référence dans les ADPIC; ses dispositions seront mesurées au contexte de l'OMC.

Les seules règles d'interprétation des dispositions de fond des ADPIC et qui prennent leur source, pour la plupart, dans la Convention de Berne proviendront de l'OMC, du fait des procédures d'interprétation et de règlement des différends notamment, inexistantes ailleurs. Des différends pourront survenir entre Etats à la fois membres de l'Union de Berne et membres de l'OMC, puisque les deux conventions ont pour vocation mutadis mutandis à régir des situations similaires. Malgré l'article 2, paragraphe 2, qui précise qu'entre les Etats parties aux conventions internationales, les ADPIC ne dérogeront pas aux obligations que les Etats peuvent avoir les uns à l'égard des autres dans le cadre de ces conventions, des difficultés pourront exister. Tous les points traités expressément par les ADPIC peuvent être source de difficulté d'interprétation entre la Convention de Berne et les ADPIC, en particulier en raison de l'approche différente de ces deux instruments. La dimension commerciale exerce une influence déterminante sur les normes des ADPIC.

3. Mesures destinées à assurer le respect des normes des ADPIC dans les Etats membres

Le droit des Etats Membres doit comporter des "procédures destinées à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ..., de manière à permettre une action efficace contre tout acte qui porterait atteinte aux droits de propriété intellectuelle couverts par le présent accord ..."28. Les dispositions des ADPIC sur ce point sont détaillées et nombreuses et il n'est pas permis de les décrire dans cette analyse29. Elles concernent des règles de procédure judiciaire (éléments de preuve, mesures d'injonction, condamnation à des dommages intérêts, sort des marchandises contrefaisantes et des biens ayant servi à la production de telles marchandises, mesures provisoires), la suspension de la mise en circulation par les autorités douanières des marchandises contrefaisantes et les procédures pénales (amendes, peines de prison, saisies et confiscation).

Les principes du traitement national et de la nation la plus favorisée, les normes relativement élevées de la protection et les stuctures mises en oeuvres pour en assurer le respect constituent des indices qui justifient l'assertion selon laquelle, dans l'ensemble, le niveau de protection va, dans le monde, s'élever. Cependant, comme il a été indiqué dans l'introduction, ces normes sont placées dans un contexte qui peut en nuancer la portée; les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne doivent pas elles-mêmes être des obstacles au commerce légitime. Cela explique la réduction de certains droits par rapport au système traditionnel de protection.

II - L'influence des besoins du commerce sur les droits de propriété intellectuelle

Cette influence se traduit, d'une part, dans le régime des droits (A), d'autre part, dans les contrats (B).

A - Influence sur le régime des droits

Cette influence apparaît à propos de la protection des dessins et modèles (1), des exceptions (2), du droit moral (3) et de la titularité (4).

1. Dessins et modèles

En matière de dessins et modèles de textiles, les ADPIC (article 25) imposent aux Etats Membres de protéger les "dessins et modèles industriels créés de manière indépendante qui sont nouveaux ou originaux", avec la possibilité d'exclure une telle protection pour les dessins et modèles "dictés essentiellement par des considérations techniques ou fonctionnelles".

Le paragraphe 2 de l'article 25 précise que "Chaque Membre fera en sorte que les prescriptions visant à garantir la protection des dessins et modèles de textiles ... ne compromettent pas indûment la possibilité de demander et d'obtenir cette protection". La phrase suivante qui laisse la liberté aux Etats Membres de remplir cette obligation au moyen de la législation en matière de dessins et modèles ou au moyen de la législation sur le droit d'auteur30 laisse perplexe, puisque l'on peut se demander si cette liberté se limite au paragraphe 2 ou si elle peut être étendue à l'ensemble de l'article 25 et si, en particulier, la faculté de protéger les dessins et modèles par le droit d'auteur ne concerne que les dessins et modèles de textiles seuls visés dans le paragraphe 2 ou, au contraire, l'ensemble des dessins et modèles. Il nous semble que la possibilité de la protection par le droit d'auteur ne soit confirmée qu'en faveur des dessins et modèles de textiles. Ainsi, la protection des dessins et modèles par le droit d'auteur est singulièrement réduite31.

2. Exceptions

Les exceptions prévues aux droits d'auteur sont, dans les ADPIC, de portée large, puisqu'elles s'appliquent à l'ensemble des droits. Si l'article 13 des ADPIC reprend le texte de l'article 9, paragraphe 2, de la Convention de Berne, il ne limite pas le champ de l'exception au droit de reproduction comme le fait ce dernier instrument. L'exception des ADPIC vise tous les droits contenus dans les ADPIC.

A propos des dessins et modèles, l'article 26, paragraphe 2, contient la même disposition que celle de l'article 13, avec l'ajout suivant, à la fin du texte, qui contribue à élargir le champ des exceptions:"... compte tenu des intérêts légitimes de tiers.".

3. Droit moral

Des difficultés pour mettre en relation des solutions et des pratiques différentes aux USA et en Europe, à propos, en particulier, du traitement national et de la procédure de règlement des différends, auraient conduit les négociateurs à exclure le droit moral du champ des ADPIC.

Les procédures de mise en oeuvre des droits instaurés par les ADPIC ainsi que celles du règlement des différends ne s'appliqueront pas, par conséquent, au droit moral, puisque celui-ci est exclu du champ de l'Accord (article 9).

L'absence de reconnaissance du droit moral dans le cadre de l'OMC entraîne une diminution de protection par rapport à la Convention de Berne, ainsi qu'un amoindrissement par rapport aux droits patrimoniaux, puisque le non-respect du droit moral ne pourra entraîner de sanctions, alors que des sanctions pourront être prises en cas de non-respect des droits patrimoniaux. Néanmoins, ce droit conserve intact sa dimension extrapatrimoniale, ce qu'une reconnaissance par les ADPIC n'auraient pas manqué de changer, jusqu'à en modifier les caractéristiques essentielles.

4. Titularité

Question toujours discutée à propos de la Convention de Berne, puisque des thèses s'opposent en l'absence de disposition générale sur cette question, la titularité des droits trouve une solution dans les ADPIC.

Dans la Convention de Berne, la question de la titularité n'est pas traitée d'une manière systématique32. En revanche, dans les ADPIC, la titularité des droits d'une personne morale est reconnue. L'article premier précise, dans la note 1, que le mot "ressortissant" dans le présent accord sera "réputé couvrir, pour ce qui est d'un territoire douanier distinct Membre de l'OMC, les personnes, physiques ou morales, qui sont domiciliées ou ont un établissement industriel ou commercial réel et effectif sur ce territoire douanier." Ce texte fixe aussi le critère de rattachement33.

L'article 12 prévoit également la possibilité pour les personnes morales d'être titulaires de droits, puisqu'il précise que "Chaque fois que la durée de la protection d'une oeuvre, autre qu'une oeuvre photographique ou une oeuvre des arts appliqués, est calculée sur une base autre que la vie d'une personne physique, cette durée sera d'au moins 50 ans à compter de la fin de l'année civile de la publication autorisée..."

Enfin, dans l'article 13 relatif aux exceptions, qui reprend pour partie le texte de l'article 9, paragraphe 2, de la Convention de Berne, le mot "auteur" de la Convention de Berne a été remplacé dans les ADPIC par l'expression"détenteur du droit".

Le domaine dans lequel les lois du marché exercent une influence considérable est celui des contrats.

B - Influence sur les contrats

La section 8 de la Partie II des ADPIC limite les conséquences que pourraient avoir des contrats de concession de licence sur la concurrence; le contexte du droit des affaires et de la concurrence sous-tend les dispositions de cette section et conduit à limiter la liberté contractuelle. L'article 40 des ADPIC dispose, en effet, que "Les Membres conviennent que certaines pratiques ou conditions en matière de concession de licences touchant aux droits de propriété intellectuelle qui limitent la concurrence peuvent avoir des effets préjudiciables sur les échanges et entraver le transfert et la diffusion de technologie." 34 Le paragraphe 2 de cet article précise que les Membres pourront toujours spécifier dans leur législation "les pratiques ou conditions en matière de concession de licences qui pourront, dans des cas particuliers, constituer un usage abusif de droits de propriété intellectuelle ayant un effet préjudiciable sur la concurrence sur un marché considéré". L'Etat Membre pourra adopter "des mesures appropriées pour prévenir ou contrôler ces pratiques"35.

Les règles des ADPIC limitent la liberté des parties, non pas en vue de mieux protéger les droits de propriété intellectuelle, mais dans le but de limiter l'exercice de ces droits. Le contexte des solutions de propriété intellectuelle dans l'Accord de Marrakech explique cette situation. La propriété intellectuelle n'est plus isolée du monde des affaires; des équilibres, contestables mais inévitables, sont introduits dans l'Accord de Marrakech affectant les droits que les ADPIC reconnaissent.

Les tenants du droit moral, au moins pour cet écueil évité, peuvent se réjouir de son exclusion des ADPIC. S'il n'avait pas été exclu, il est fort probable qu'il n'aurait pas été qualifié d'inaliénable36.

Conclusion

Les ADPIC marquent l'état actuel du droit international en matière de propriété intellectuelle.

Il faudra observer comment ces accords seront appliqués. Le processus d'entrée en vigueur est fixé dans un calendrier et ne dépend pas d'un nombre minimal d'Etats qui auraient adhéré ou ratifié l'instrument. Les Etats-Unis et la France ont ratifié l'Acte de Marrakech . L'article 65 des ADPIC fixe les conditions d'application des dispositions relatives à la propriété intellectuelle. Le paragraphe 1 prévoit que, sous réserve des dispositions des paragraphes 2 [Conventions relatives à la propriété intellectuelle], 3 [traitement national] et 4 [traitement de la nation la plus favorisée], aucun Membre n'aura l'obligation d'appliquer les dispositions du présent accord avant l'expiration d'une période générale d'un an après la date d'entrée en vigueur de l'Accord de Marrakech (soit le 1er janvier 1995). Les paragraphes 2 et 3 permettent aux pays en développement ainsi qu'à des Etats dont le régime d'économie planifiée est en voie de transformation en une économie de marché axée sur la libre entreprise qui entreprennent une réforme structurelle de leur système de propriété intellectuelle et qui se heurtent à des difficultés de mise en oeuvre des lois et réglementation en matière de propriété intellectuelle, de différer, pendant une nouvelle période de quatre ans, la date d'application des ADPIC. En outre, en vertu de l'article 66 des ADPIC, les Membres les moins avancés ne seront pas tenus d'appliquer les dispositions du présent accord, à l'exclusion de celles des articles 3 [traitement national], 4 [traitement de la nation la plus favorisée] et 5 [Accords multilatéraux sur l'acquisition ou le maintien de la protection], pendant une période de 10 ans à compter de la date d'application telle qu'elle est définie au paragraphe 1 de l'article 65. Des prorogations de délais pourront même être accordées par le Conseil des ADPIC.

Il importera surtout d'analyser comment le contenu des ADPIC sera interprété.

Notes :

1 Obstacles non tarifaires aux échanges, entraves à la concurrence et non-discrimination.

2 Voir Victor Nabhan, L'accord de libre-échange et le droit d'auteur, perspective canadienne, RIDA n°161, juillet 1994, p.99.

3 Voir Silke Von Lewinski, Le rôle du droit d'auteur dans le droit du commerce international d'aujourd'hui, RIDA n°161, juillet 1994, p.4. Voir aussi Les droits d'auteur et les droits voisins: principes substantiels, André Françon, dans L'Europe et les enjeux du Gatt dans le domaine de l'audiovisuel, Bruylant, Bruxelles 1994, p.149, et Le Gatt/Omc et la propriété intellectuelle, Jane C. Ginsburg, à paraître dans les Actes des septièmes entretiens du Centre Jacques Cartier qui ont eu lieu en décembre 1994; cette dernière étude comprend notamment des développements sur la mise en oeuvre des ADPIC par la législation américaine.
Outre le droit d'auteur et les droits connexes, cet accord comprend des dispositions en matière de marques de fabrique ou de commerce, d'indications géographiques, de dessins et modèles industriels, de brevets et de schémas de configuration (topographies) de circuits intégrés.
de fabrique ou de commerce, d'indications géographiques, de dessins et modèles industriels, de brevets et de schémas de configuration (topographies) de circuits intégrés.

(4) Voir à cet effet la Déclaration de Marrakech du 15 avril 1994 et l'exposé des motifs de l'Accord de Marrakech lui-même.

5 Extraits du premier attendu de l'exposé des motifs des ADPIC.

6 Pour notre travail, nous avons utilisé le texte de l'Accord de Marrakech tel que publié par les le Secrétariat du GATT, en 1994, dans sa version en français.

7 L'article 5 des ADPIC précise que les obligations découlant de ces principes ne s'appliquent pas "aux procédures prévues par les accords multilatéraux conclus sous les auspices de l'OMPI pour l'acquisition ou le maintien de droits de propriété intellectuelle".

8 Ainsi que dans l'article 4 relatif au principe du traitement de la nation la plus favorisée.

9 Article 5, paragraphe 2.

10 Néanmoins, l'article 5 des ADPIC, précité, pourrait être interprété comme excluant les principes du traitement national et de la nation la plus favorisée pour les droits instaurés par les instruments multilatéraux conclus sous les auspices de l'OMPI, cela, naturellement, en dehors du traitement national en vigueur au sein de l'Union de Berne. Pourtant, pour limiter la règle du traitement national aux droits voisins expresséments visés par les ADPIC, l'article 3 des ADPIC prend soin de préciser que "En ce qui concerne les artistes interprètes ou exécutants, les producteurs de phonogrammes et les organismes de radiodiffusion, cette obligation ne s'applique que pour ce qui est des droits visés par le présent accord." La situation est, en effet, différente en matière de droits voisins, puisque le traitement national est limité aux droits visés par les ADPIC. Le traitement national est nettement plus réduit pour les droits voisins, puisque la Convention de Rome pour la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phongrammes et des organismes de radiodiffusion (la "Convention de Rome") n'est pas reprise dans les ADPIC; les seuls droits voisins instaurés par les ADPIC sont les droits expressément mentionnés dans leur texte. Pour une opinion différente en ce qui concerne la portée du traitement national dans le domaine du droit d'auteur dans le cadre de l'OMC, voir André Kéréver, Le GATT et le droit d'auteur interrnational, l'accord sur les "aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce", RTD com 47 (4), octobre - décembre 1994.

11 Outre la limite mentionnée dans la note 7.

12 Comme de l'article 19 de la Convention de Paris ou bien encore de l'article 22 de la Convention de Rome.

13 Le critère de rattachement des ADPIC est le domicile ou le lieu d'établissement industriel ou commercial réel et effectif (cf. note 1, sous l'article premier; voir infra II, A, 4).

14 Outre la limite mentionnée dans la note 7.

15 La question de l'épuisement des droits est seulement incluse dans le cadre du traitement national et de la clause de la nation la plus favorisée. L'article 6 dispose, en effet, que "Aux fins du règlement des différends dans le cadre du présent accord, sous réserve des dipositions des articles 3 et 4, aucune disposition du présent accord ne sera utilisée pour traiter la question de l'épuisement des droits de propriété intellectuelle."

16 Ne sont pas reprises les dispositions relatives à l'administration de la Convention (art. 22 à 26), au processus de révision (art. 27), aux conditions de son entrée en vigueur (art.29, 29bis), aux dispositions relatives à l'applicabilité à certains territoires (article 31), aux règles sur l'applicabilité de l'Acte de 1971 et des Actes antérieurs (article 32), à l'exclusion de la compétence de la Cour internationale de Justice (article 33) ou à d'autres clauses de nature administrative (articles 34, 35, 37 et 38). Cependant est visé l'article 1 qui est relatif à la constitution de l'Union de Berne, alors que l'organisation de l'Union relève des articles 22 et ss. qui sont exclus du champ des ADPIC, ce qui surprend, sauf à considérer que cette référence exprime la reconnaissance de l'Union de Berne par les ADPIC, conformément à l'article 2, paragraphe 2, des ADPIC qui dispose qu'entre les Etats membres de l'Union de Berne et ceux parties à la Convention de Rome, les règles de la Convention de Berne et de la Convention de Rome prévaudront. Cet article 2, paragraphe 2, dispose, en effet, que "Aucune disposition des Parties I à IV du présent accord ne dérogera aux obligations que les Membres peuvent avoir les uns à l'égard des autres en vertu de la ... Convention de Berne, de la Convention de Rome ...".

17 Le constat est particulièrement spectaculaire pour les droits voisins. Des Etats, du fait de leur engagement dans l'OMC, se trouveront liés par le contenu substantiel des règles de la Convention de Rome reprises dans les ADPIC, sans même parfois connaître la notion de droits voisins sur le plan interne, comme c'est le cas des Etats-Unis. Compte tenu du nombre réduit d'Etats parties à cette Convention internationale et, à l'inverse, du nombre important d'Etats qui ont signé l'Accord de Marrakech, le nombre d'Etats qui se trouveront engagés à respecter les règles de la Convention de Rome reprises dans les ADPIC s'accroîtra d'une manière significative.

18 Article premier. Les réserves qu'auront pu faire les Etats en adhérant à la Convention de Berne, sur la base de l'article 30 de cette Convention, ne pourront pas être prises en considération dans le cadre de l'OMC, puisque cet article 30 n'est pas couvert par les articles de la Convention de Berne visés par l'article 9 des ADPIC. Par ailleurs, l'article XVI, paragraphe 5, de l'Accord de Marrakech précise qu'"Il ne pourra être formulé de réserves en ce qui concerne une disposition du présent accord. Il ne pourra être formulé de réserves en ce qui concerne des dispositions des Accords Commerciaux Multilatéraux que dans la mesure prévue dans lesdits accords...". Or, l'article 72 des ADPIC ne permet de réserves qu'avec le consentement des autres Membres. Pour les droits conférés en vertu des paragraphes 1 (droits des artistes), 2 (droit des producteurs de phonogrammes) et 3 (droits des organismes de radiodiffusion) de l'article 14 des ADPIC, en revanche, les réserves autorisées par la Convention de Rome sont admises (paragraphe 6).

19 Textes repris des titres des articles de la Convention de Berne, telle que publiée par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.

20 Le paragraphe 1 dispose, en effet, que "Les programmes d'ordinateur, qu'ils soient exprimés en code source ou en code objet, seront protégés en tant qu'oeuvres littéraires en vertu de la Convention de Berne (1971)

21 Selon ce dernier article, "Les compilations de données ou d'autres éléments, qu'elles soient reproduites sur support exploitable par machine ou sous toute autre forme, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles seront protégées comme telles". Une différence affecte la Convention de Berne au regard des logiciels et des bases de données, en ce que les bases de données peuvent être considérées comme se rapprochant plus des "recueils d'oeuvres littéraires ... tels que les encyclopédies et les anthologies qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles protégées ..." (article 2, paragraphe 5, de la Convention de Berne), que les logiciels ne se rapprochent des oeuvres littéraires. Si le principe de la protection des logiciels dans la Convention de Berne peut être discuté, celui des bases de données l'est beaucoup moins en raison de la règle de l'article 2, paragraphe 5, précité.

22 Cela est conforme au principe traditionnel et rappelé dans l'article 9, paragraphe 2, des ADPIC, selon lequel "la protection du droit d'auteur s'étendra aux expressions et non aux idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques en tant que tels".
Il est intéressant de relever que la section 7 des ADPIC prévoit la protection des informations confidentielles, bien qu'elles ne relèvent pas directement de la propriété intellectuelle. La Partie II des ADPIC place ces informations sur le même rang que le droit d'auteur et les droits connexes (section 1), les marques de fabrique ou de commerce (section 2), les indications géographiques (section 3), les dessins et modèles industriels (section 4), les brevets (section 5) et les schémas de configuration (topographies) de circuits intégrés (section 6). Cette protection s'appuie sur l'article 10bis de la Convention de Paris, par le moyen de la concurrence déloyale. Il n'y a pas à proprement parler l'instauration d'un droit de propriété intellectuelle en ce qui concerne les informations non divulguées, mais, cette introduction dans la Partie II des ADPIC consacrée à la propriété intellectuelle, peut susciter une interprétation favorable à la protection des informations par une technique proche de la propriété intellectuelle.

23 Un tel droit bénéficiera aussi aux producteurs de phonogrammes et à tous détenteurs de droits sur les phonogrammes tels qu'ils [les détenteurs de droits] sont déterminés dans la législation d'un Etat Membre (article 14, paragraphe 4, des ADPIC). L'article 14 admet l'application d'un système de rémunération équitable des détenteurs droits sur un phonogramme si, d'une part, ce système existe avant le 15 avril 1994 et si, d'autre part, la location commerciale des phonogrammes n'a pas pour effet de compromettre de façon importante les droits exclusifs de reproduction des détenteurs de droits. Voir l'article de Monsieur A. Françon cité en note 3.

24 L'article 70, paragraphe 5 des ADPIC dispose qu'un Etat Membre n'aura pas l'obligation d'appliquer le droit de location pour les programmes d'ordinateur et les oeuvres cinématographiques, prévus à l'article 11, ainsi que le droit de location sur les phonogrammes prévus à l'article 14, paragraphe 4, aux originaux et aux copies achetés avant la date d'application des ADPIC pour cet Etat Membre. Seule la location est l'objet des ADPIC, non le prêt.

25 En ce qui concerne les droits voisins, par rapport à la Convention de Rome, la durée de protection est singulièrement augmentée pour les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes, puisque l'article 14, paragraphe 5, précise que la durée de protection accordée à ces derniers ne sera pas inférieure à une période de 50 ans à compter de la fin de l'année civile de fixation ou d'exécution. Pour les organismes de radiodiffusion, la protection accordée n'est pas modifiée par rapport à la Convention de Rome, puisqu'elle ne sera pas inférieure à une période de 20 ans à compter de la fin de l'année civile de radiodiffusion. La Convention de Rome ne prévoit qu'une période de protection de 20 ans à compter, soit de la fin de l'année de la fixation, pour les phonogrammes et les exécutions fixées sur ceux-ci, soit de la fin de l'année où l'exécution a eu lieu, pour les exécutions qui ne sont pas fixées sur phonogrammes, soit de la fin de l'année où l'émission a eu lieu, pour les émissions de radiodiffusion.

26 Il convient de formuler une observation à propos du droit de traduction. En effet, dans son article 30, la Convention de Berne permet à tout pays étranger à l'Union qui adhère à la Convention de Berne de déclarer qu'il entend substituer, provisoirement au moins, à l'article 8 relatif au droit de traduction dont l'auteur est bénéficiaire, les dispositions de l'article 5 de la Convention de 1886 complétée en 1896, étant entendu que cette possibilité de réserve ne vise que la traduction dans une langue d'usage général dans ce pays. L'article 8 prévoit que les auteurs jouissent d'un droit exclusif de traduction pendant toute la durée de leurs droits sur l'oeuvre originale. Le texte de 1886 modifié en 1896 prévoit une durée de 10 ans à partir de la publication de l'oeuvre originale si, au cours de cette période, l'auteur n'a pas pris l'initiative de faire publier dans l'un des pays de l'Union une traduction de son oeuvre dans la langue pour laquelle la protection est réclamée. Etant donné que l'article 9 des ADPIC limite la référence à la Convention de Berne aux articles 1 à 21, on peut penser que la possibilité d'invoquer la durée réduite du texte de 1886, modifiée en 1896, est exclue dans le cadre de l'OMC.

27 Article 2 de l'Annexe 2 de l'Accord de Marrakech, intitulé Memorandum d'Accord sur les Règles et Procédures régissant le Règlement des Différends. Voir aussi l'article 64 des ADPIC.

28 Article 41 des ADPIC.

29 Parite III.30 "Les Membres seront libres de remplir cette obligation au moyen de la législation en matière de desins et modèles industriels ou au moyen de la législation en matière de droit d'auteur."

31 Pour le régime des dessins et modèles, voir "Les dessins et modèles dans le GATT", André Françon, RIPIA n°177, 3ème trimestre 1994, p.392.

32 La Convention de Berne contient seulement des dispositions particulières relatives à cette question. Ainsi, l'article 6 bis, paragraphe 2, prévoit l'intervention de la loi du pays où la protection est réclamée pour déterminer les personnes ou institutions qui pourront exercer les droits moraux reconnus au paragraphe 1 après la mort de l'auteur. L'article 14bis, paragraphe 2, a) renvoie à la législation du pays où la protection est réclamée pour la détermination des titulaires du droit d'auteur sur l'oeuvre cinématographique. L'article 14ter prévoit, à propos du droit de suite, la référence à la loi nationale pour la détermination des personnes ou institutions qui ont qualité pour jouir du droit de suite après la mort de l'auteur. La question de la titularité de l'auteur ou celle de l'exercice de ses droits ne fait l'objet d'une disposition que lorsqu'il y a une difficulté à résoudre. Tels sont les cas de la volonté de prendre en compte un autre titulaire que l'auteur lui-même (article 14bis), du décès de l'auteur (articles 6bis et 14ter) ou si l'auteur est inconnu (article 15, paragraphe 4). La conception de l'auteur, créateur personne physique, est inhérente à la Convention de Berne. En effet, il résulte des textes, de l'esprit et de l'histoire de cet instrument international que l'auteur dont les droits sur les oeuvres sont aménagés sur le plan international est le créateur de l'oeuvre. Les mots "auteur" et "auteurs" sont utilisés maintes fois et à aucun moment il n'est possible d'entendre une personne autre que le créateur.

33 Voir note 13.

34 Bien que l'article 40, paragraphe 1, fasse référence aux effets préjudiciables que pourraient avoir des contrats de concession de licence sur les "échanges et entraver le transfert et la diffusion de technologie", en l'absence de stipulation plus claire, on pourrait en déduire que la section 8 concerne la propriété industrielle. Cependant, en droit d'auteur, un contrat de licence peut avoir un effet sur les échanges. En outre, la construction de la fin de la phrase fait que le mot "échanges" ne se rapporte pas à la technologie.

35 Une interprétation étroite de l'article 40 permettrait de considérer que seul le contrat de concession de licence est concerné par cette limite, pas le contrat de cession. Néanmoins, dans la fin du paragraphe 2, il est fait état de clauses de rétrocession exclusives; si les rédacteurs avaient voulu exclure du champ d'application du texte les cessions, on peut penser qu'ils l'auraient spécifié; en outre, ce texte est surtout rédigé dans la perspective de la propriété industrielle, sans cependant exclure le droit d'auteur et les droits voisins, et chacun sait que dans ce secteur, ce sont surtout des contrats de concession de licence qui sont conclus.

36 L'appréciation du sens et de la portée de l'exclusion du droit moral des ADPIC est délicate; voir supra II, A, 3.